D’une norme à l’autre
Abstract
La comédie mêlée d’ariettes, forme d’opéra-comique qui voit le jour dans les années 1750, est un genre hybride, qui repose sur une alternance de dialogues parlés et d’airs chantés, dont découle un mélange des registres, les ariettes favorisant l’introduction du registre pathétique au sein de la comédie. Cette absence d’unité dans les procédés induit une progression dramatique discontinue, qui repose sur la juxtaposition de situations et de tableaux, visant à saisir le spectateur. Le genre est décrié par les tenants de la doctrine classique, qui considèrent le mélange comme une imperfection et l’image comme un piège tendu aux sens du spectateur. Or, la naissance de ce genre s’inscrit dans un mouvement de réforme du théâtre qui repose, dans la deuxième moitié du xviiie siècle, sur l’idée que le mélange est l’image de la nature. Une telle conception, qui s’affranchit des codes de la représentation classique, invite à évaluer les œuvres à l’aune d’une norme nouvelle fondée sur le jugement du spectateur. Ce changement de point de vue reflète l’importance grandissante accordée à la sensibilité et à son expression au siècle des Lumières : c’est dans l’émotion du spectateur qu’il convient désormais de penser la normalité de la comédie mêlée d’ariettes.