Nous disposons d’une capacité remarquable à nous former instantanément des représentations sociales de nos interlocuteurs au cours d’une interaction sociale, en particulier à travers leur voix. Linguistes et éthologistes ont observé le rôle de la prosodie vocale (les caractéristiques acoustiques, i.e. non verbales, comme l’intonation, la vitesse d’élocution, les accents toniques) dans la communication humaine depuis des décennies, mais les filtres exacts utilisés par notre cerveau pour inférer des traits sociaux à partir de ces caractéristiques prosodiques restaient jusqu’à présent inaccessibles. Je présenterai ici une approche basée sur l’utilisation conjointe d’algorithmes de transformation de la voix et de méthodes psychophysique de « corrélation inverse » permettant d’accéder expérimentalement à ces filtres perceptifs haut-niveau et donc de remonter au prototype auditif mental d’un trait social donné. Je discuterai des résultats d’une première série d’expériences où nous avons caractérisé en particulier les filtres qui décodent l’intonation dans le mot ‘bonjour’ lorsque nous évaluons si un locuteur est ‘digne de confiance’ ou lorsque nous évaluons s’il est ‘socialement dominant’. J’évoquerai enfin des perspectives applicative et fondamentale offertes par la caractérisation de ces filtres auditifs sociaux. Applicative : les utiliser pour « maquiller » socialement, de manière paramétrique, n’importe quelle autre voix. Fondamentale : les mesurer chez des personnes souffrant de déficits spécifiques au traitement de la voix afin d’identifier les composantes des mécanismes haut-niveau altérées (e.g., gain, forme temporelle du filtre) par leur pathologie, ce qui constituerait une première étape vers la rééducation individualisée.