Les figures de l'émotion dans la littérature du sida
Abstract
Au début des années 80, l'apparition du sida vient briser les certitudes et ranimer des terreurs séculaires. Une "communauté de parias", aux pratiques sexuelles considérées perverses et excessives, est alors désignée comme responsable de l'épidémie qui serait une punition justifiée de la déviance. A l'instar du cancer ou de la tuberculose, cette nouvelle maladie suscite une littérature majoritairement "homosexuelle", bien que d'autres angles soient aussi explorés (transfusés, drogués, prostituées). La narration "clinique" de la maladie, caractérisée par un grand souci d'objectivité et des descriptions physiques proches du registre naturaliste, l'éclatement de la texture romanesque en récits, digressions et enchâssements rappelant la circulation du virus et la désorganisation du corps, la chronique des liens intimes unissant médecin et malade, montrent combien les textes littéraires sur le sida constituent une véritable contribution à la médecine. Par ailleurs, le sida, qui remet sur le devant de la scène la mort "jeune", ouvre des questionnements sur la solitude, la souffrance physique et morale, Dieu et la spiritualité, le néant, et marque la rencontre du personnel avec le collectif. A l'heure où la maladie apparaît de plus en plus comme "chronique" depuis le développement des polythérapies, cet ouvrage évalue la répercussion des progrès médicaux sur les œuvres récentes et examine la place de la littérature du sida dans le champ de la production littéraire globale.