A propos des ‘œuvres de la chair’, l’interprétation et l’utilisation de Ga 5, 19-21 chez les Pères latins (III-Ve siècles)
Résumé
Le sujet retenu pour ce colloque était ambitieux puisqu’il portait sur les chrétiens et leur corps ; un sujet qui a beaucoup préoccupé les anthropologues et les historiens de la société romaine tardive et médiévale , sans pour autant que des préjugés courants ne soient dissipés. L’ouvrage vise à proposer des réflexions sur ce que les textes fondateurs du christianisme, les écrits bibliques et les commentaires patristiques proposent sur ce sujet.
En l’espace de deux jours et demi, les auteurs antiques abordés ont été nombreux et le champ de la patristique (principalement grecque et latine) a été ardemment labouré. Surtout, il est ressorti des différentes communications et des textes écrits transmis par la suite que le christianisme donne une place centrale au corps. Cette importance du corps est largement liée au dogme de l’Incarnation du Christ qui fait l’originalité du christianisme. Si Dieu prend chair, alors la chair peut être divinisée, ce qui résume en soi toute sa valeur. (Béatrice Caseau)
Chez nombre de nos contemporains marqués par la pensée de Nietzsche ou plus récemment par les considérations de Michel Onfray, le christianisme est la religion de la négation de la chair. La chair comme lieu de l’épanouissement du désir sexuel mais pas seulement : que l’on pense à la bonne chère des gourmets, à l’effort magnifié des sportifs, au bien-être procuré par une thalassothérapie…
Or, comment ne pas être frappé par ce paradoxe : au cœur de la foi chrétienne, il y a l’incarnation, le « devenir-chair » de Dieu, et au cœur de sa pratique, la communion à la chair du Christ ?
Comment rendre compte d’un tel décalage – s’il est bien effectif – entre les présupposés de la foi chrétienne et ses réalisations historiques et contingentes ? Certes il y a bien Paul de Tarse et sa mise en garde contre l’empire de la chair, mais c’est très rapidement sur les Pères de l’Église et leurs enseignements que se porte le soupçon.
A partir d’Origène (début IIIe siècle) se multiplient les appels à la continence et les discours affirmant la supériorité du célibat sur le mariage. Les chrétiens désertent les lieux habituels de la sociabilité gréco-romaine que sont le stade, le théâtre ou encore les thermes. La frugalité du monachisme frise parfois la mise en danger d’autrui. Tout cela pour soumettre la chair, quitte à l’assommer !
Il restait à vérifier si une telle présentation aussi rapide qu’interprétative est conforme à ce qu’ont vécu réellement les premiers chrétiens de cette relation à la chair comme lieu de leur « être au monde ». C’est à cette tâche que s’est efforcé de répondre le Ve colloque de Patristique de La Rochelle.