Jérôme, contre Vigilance
Abstract
Vigilance de Calagurris ou le cauchemar de saint Jérôme En fait de cauchemar, c'est plutôt de nuit blanche dont il faudrait parler. Qui est ce Vigilance, originaire de la région toulousaine, qui s'interroge sur la légitimité du culte des reliques, le célibat des prêtres et les honneurs excessifs - selon lui - accordés aux moines ? Ayant appris cela de la bouche de pèlerins aquitains venus jusqu'à son monastère de Bethléem l'été 406, Jérôme en perd le sommeil et passe la nuit suivante à rédiger une réponse cinglante qui devait river son clou définitivement à cet impudent contestataire. Vigilance de Calagurris méritait-il tant d'honneur ? Pourquoi Jérôme s'est-il cru obligé de pilonner son malheureux adversaire à coups de sarcasmes rageurs et d'invectives peu amènes jusqu'à en ensevelir la mémoire ? Quel danger mortel représentait Vigilance à ses yeux ? Et, si loin d'être un cas isolé, le prêtre toulousain avait été le porte-parole officieux d'une large part de l'épiscopat gaulois, de ces évêques « qui ne confèrent le sacrement de l'ordre à personne s'ils ne voient sa femme enceinte ou portant des marmots entre ses bras » (aux dires de Jérôme) et qui ne sont pas sans sourciller vis-à-vis des réformes qu'impulsent alors tant les moines d'Orient que l'évêque de Rome ? L'âpreté des débats poursuivis aux alentours du tournant du Ve siècle nous alerte encore sur le caractère pluriel et ouvert du christianisme de l'Antiquité tardive. C'est sur ce « christianisme en recherche » qui s'interroge sur la communion des saints, le mérite des moines, la valeur du célibat que s'est penchée cette nouvelle Petite Journée de Patristique.