L'Écosse régénératrice ou la création des ''cliques nationales'' bretonnes, d'une sortie de guerre à l'autre
Abstract
Le 3 mai 2014, à l'initiative de la ville de Rennes, une journée du Souvenir est organisée à Paris, dans la cour des Invalides. Devant le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, à côté de la plaque de Louis-Henri Nicot évoquant 240 000 Bretons morts à la Grande Guerre, l'adjudant-chef Lemoine interprète à la cornemuse une marche écossaise. Commentant cette cérémonie, le site internet nationaliste Agence Bretagne Presse déplore l'absence de drapeaux bretons et le fait qu'un air écossais ait été joué en lieu et place de l'hymne national breton, dont l'air est pourtant d'origine galloise. Nous sommes ici au carrefour de plusieurs facteurs de tension : des nationalismes conflictuels ; un interceltisme aussi contesté qu'intégré ; un bilan mortuaire polémique. Et la musique, dont on sait à quel point elle exprime l’expérience des individus en société : leurs unions, leurs mobilisations, leurs rites, leurs violences, leurs ferveurs. Organisation des sons, la musique participe du politique, qui est affaire de langage et d'organisation de la société. À ce titre, elle joue un rôle important dans l'histoire du nationalisme breton. En 1918, quelques jeunes gens fondent le Groupe Régionaliste breton, auquel ils offrent en guise d'organe une feuille baptisée Breiz Atao !, successivement organe de l'Union de la Jeunesse de Bretagne, du Parti autonomiste breton, puis du Parti national breton. Ces jeunes prétendent « travailler activement au relèvement de la Patrie Bretonne ». En effet, pour de multiples raisons ils sont persuadés que la participation des Bretons à la Grande Guerre témoigne de leur francisation, donc de leur dégénérescence. Breiz Atao se propose donc de receltiser les Bretons latinisés. Comment la musique écossaise participe-t-elle de ce processus ?