Le genre Cornettes. Sur Matthieu Brejon de Lavergnée, Le Temps des Cornettes. Histoire des Filles de la Charité XIXe-XXe siècles (Paris, Fayard, 2018)
Abstract
Les religieuses concèdent souvent que les raisons qui, à la racine de leur vocation, les ont fait opter pour telle congrégation, plutôt que pour telle autre, leur restent largement opaques, et les historiens honnêtes en disent volontiers autant du choix de leur sujet d’étude : c’est dire à quels abîmes d’idiosyncrasie on peut être confronté, lorsque leur sujet d’étude se trouve aussi être une congrégation. Sans prétendre le moins du monde sonder ceux qui habitent Mathieu Brejon de Lavergnée, il faut bien constater qu’il a publié, en 2011, une histoire aux temps modernes de celle qu’avaient fondée Louise de Marillac et saint Vincent de Paul, les Filles de la Charité ; et qu’avec Le Temps des Cornettes, c’est encore leur devenir qui le retient, mais cette fois-ci à l’époque contemporaine, de la Révolution française jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Car leur action charitable en faveur des couches populaires n’a nullement garanti les Cornettes, comme il aime à les appeler par synecdoque, du séisme révolutionnaire. L’hostilité de ses promoteurs au catholicisme en général et aux congréganistes en particulier est telle qu’après quelques ménagements initiaux, les Filles de la Charité sont contraintes elles aussi à quitter l’habit et à se disperser, pendant que leurs biens sont mis à l’encan. Encore ce processus n’est-il pas exclusif d’attaques plus féroces : parce qu’elles refusent l’un ou l’autre des serments qu’on veut leur arracher, des vincentiennes seront fouettées en public, d’autres guillotinées…