Le désir et la trace : écritures de l'impensable
Abstract
Objectifs :
L’objectif de cet article est d’interroger la fonction de la trace inconsciente dans son articulation au désir et aux effets de création. En partant du champ psychanalytique, l’article explore les domaines de l’histoire de l’art et de l’esthétique car l’art et la création (littéraire ou autre) sont dépositaires de ce qui ne peut être pensé. En revenant sur l’idée que l’artiste devance le psychanalyste, l’article se propose de dégager la fonction de l’émotion esthétique et de la création dans le traitement du réel, notamment l’émergence de l’écriture pour deux sujets : l’un analysant, l’autre écrivain.
Méthode :
Cet article met en perspective trois éléments: a) un questionnement issu de l’expérience analytique de l’auteur, où l’émotion esthétique dans le traitement du réel s’est avérée cruciale ; b) un travail théorique sur les concepts de « trace » et de « détail », mené dans le champ de la psychanalyse, de l’esthétique et de l’histoire de l’art ; c) un retour sur un fragment d’analyse issue de la pratique clinique de l’auteur et sur l’œuvre d’un écrivain. La méthode de cet article s’inscrit dans la tripartition même de la psychanalyse : traitement, recherche, conceptualisation ; et s’ouvre vers d’autres domaines susceptibles d’éclairer les enjeux de l’inconscient : l’esthétique, l’histoire de l’art, la littérature.
Résultats :
Cet article montre l’importance de la trace dans le travail psychanalytique et dans la reconnaissance de l’inconscient. Il met en évidence la conception de l’histoire et du temps propres à la subjectivité et réaffirme que la cure, loin de chercher à combler les lacunes de la mémoire, s’atèle à une certaine déconstruction qui vise le fantasme. Parcourir ce chemin qui mène du souvenir au fantasme ne se fait pas sans un travail sur la trace et sur la pulsion qu’elle recèle. La trace, de même que le symptôme, convoque un réel pour le sujet et son interprétation concerne la vérité subjective. L’expérience analytique et l’expérience esthétique sont présentées ici dans ce qui leur est commun : elles s’orientent d’un réel. L’exploration de la trace avec l’artiste et l’historien de l’art ont montré le paradoxe propre à tout traitement du réel : tantôt approchée comme histoire sédimenté, tantôt comme frappe d’une vérité, comme coupure. Il en ressort qu’il n’y a pas de traitement possible du réel sans un accueil de l’imprévu, de l’inattendu et que dans ce parcours, l’émotion esthétique est à même de tenir une fonction de nouage.
Discussion :
L’article propose un travail sur la trace aux origines de la psychanalyse : les liens entre trace, inscription et vérité subjective y sont abordés. La fonction du fantasme dans le remaniement de la trace et du réel est développée. Les travaux de Carlo Ginzburg, Jacques Rancière et Daniel Arasse ouvrent le questionnement sur la trace
vers le domaine de l’esthétique et de l’histoire de l’art et mettent en évidence le paradoxe propre à tout traitement du réel. La dimension esthétique de l’inconscient est développée et discutée à partir de la trace et du détail. La fonction du beau dans le rapport du sujet au réel et dans l’émergence des effets de création est interrogée à travers le témoignage d’un sujet et de l’œuvre d’Imre Kertész. L’article met l’accent sur l’idée que dans le mouvement qui va de l’esthétique à la vérité subjective se situe un enjeu éthique.
Conclusion :
Cet article propose une conclusion générale qui reprend la conception de l’histoire et du temps propres à la subjectivité. Dans la question de la trace se situe un enjeu majeur pour la reconnaissance du désir inconscient et de l’humain lui-même : la fonction de la trace renvoie à la question de la causalité et à la réponse subjective devant la rencontre du réel. L’esthétique et l’histoire de l’art ouvrent ce travail vers d’autres domaines d’efficacité de l’inconscient, la question de l’émotion esthétique se dégageant dans sa fonction spécifique de nouage.