Energie et mélancolie. Les entrelacs de l'écriture dans les Notebooks de S.T. Coleridge, volumes 1, 2 et 3
Résumé
Les Notebooks de Coleridge sont bien souvent cités par la critique mais rarement considérés comme un texte littéraire. Libre de toute contrainte de structure et de genre, l’espace des Notebooks est pourtant celui qui s’ajuste le mieux au rythme si particulier de la pensée du poète. Cependant, une écriture ainsi livrée à l’état brut, ne souffrant d’aucune contrainte, une écriture fragmentaire et informe qui ne cherche pas à faire œuvre peut-elle prétendre au statut de texte, voire de texte littéraire.
L’ensemble des fragments des trois premiers volumes a ainsi été envisagé comme corpus d’étude. S’articulant autour de trois notions, l’entrelacs, le mouvement et la réversibilité, le premier chapitre propose une définition des spécificités de ce texte marginal dans les écrits de Coleridge, qui vient se placer à la lisière de la pensée articulée et du fragment littéraire. Le deuxième chapitre, qui s’appuie sur une rythmanalyse des Carnets, interroge les rapports entre le lieu d’écriture et la poétique. L’écriture des premiers carnets est essentiellement nomade, elle témoigne d’un plaisir de pérégriner, de s’ouvrir à la texture du monde. Elle se nourrit de l’énergie d’un corps en mouvement et d’une volonté d’habiter poétiquement l’espace. Toutefois, au fil du temps, le regard du poète substitue le diffus et le nocturne à l’espace géopoétique. Le troisième chapitre pose l’écriture de la mélancolie comme l’envers sombre de l’écriture pérégrine, une écriture qui se nourrit de l’énergie du désir et de l’angoisse, et qui ne cesse de s’enrouler sur elle-même pour tendre vers ce point obscur. La mélancolie des Notebooks n’est jamais synonyme d’effondrement ou de néant, elle n’appelle pas le vide mais, bien au contraire, trouve sa source d’inspiration dans une formidable vitalité pour faire advenir au « jour de la parole » (Henri Maldiney) ce qui ne se donne à voir que dans l’obscurité de la nuit.