Quelle tradition pour les jeux et les sports traditionnels ?
Résumé
Le gouren est-il un jeu ? Le gouren est-il un sport ? A ces questions qui peuvent paraître triviales, la réponse est loin d’être évidente. Depuis quelques années, piochant entre une tradition culturelle dont il se revendique et un modèle sportif dont il mime les contours, le gouren s’est défini comme un « sport traditionnel ». Entre volonté de légitimité et impératif de modernité, cette dénomination doit interroger. Le gouren serait donc avant tout « sportif » ? Activité de combat fondée sur les règles de l’affrontement individuel, le « sport-gouren » reste pour autant campé sur une perception peu commune, au regard de l’institution sportive, de la victoire et de la rencontre entre les lutteurs. Le gouren serait alors avant tout « traditionnel » ? Pratique ancrée sur des rituels, un langage et des gestes hérités de la ruralité, le « gouren-tradition » s’ouvre pourtant à la médiatisation et à la standardisation sportive. Le gouren est-il donc réellement un « sport traditionnel » ? En un sens, l’athlétisme, pratique repérable (bien que sous des formes très différentes de celles que l’on connaît aujourd’hui) dès l’antiquité, consacrée par la société du temps et de la mesure qui se bâtit depuis la fin du XVIIIe siècle, pourrait lui aussi revendiquer un ancrage dans une certaine tradition, faite de mythes, de héros, de rites. De fait, l’usage de la « tradition », dans l’univers symbolique du gouren, paraît bien aujourd’hui jouer comme un prétexte visant à garantir une certaine authenticité dans une pratique qui, par certains côtés, ne cherche qu’à s’en émanciper. Le gouren est en ce sens bien contradictoire. Mais c’est sans doute là qu’il puise sa richesse : celle d’une pratique sportive, mais également sociale, culturelle et éducative complexe, contestée autant qu’enviée.