Mit brennender Sorge et le mouvement nationaliste breton
Résumé
En avril 1937, le Parti National Breton connut une grave crise qui opposa deux ténors du mouvement, Raymond Delaporte et Olier Mordrel, à propos de l'attraction qu'exerçaient sur ce dernier les théories racistes en vogue dans le Reich. Les deux hommes polémiquèrent par articles interposés, publiés dans Breiz Atao, le journal du parti, jusqu'à ce que la direction du PNB ne tranche en faveur de Mordrel. Delaporte se retira alors du journal et du parti. L'historiographie du mouvement breton s'accorde à interpréter cette scission comme le débordement des éléments modérés trop timorés par une aile extrémiste agressive, qui aurait alors imposé sa politique et provoqué une dérive fasciste du nationalisme breton.
Cette historiographie occulte complètement le rôle déterminant de l'encyclique Mit brennender Sorge à laquelle le très catholique Raymond Delaporte ne faisait qu'obéir, en rejetant des discours dont il s'était jusque-là fort bien accommodé. Après l'encyclique, les efforts que déploie Mordrel pour théoriser un racisme breton tiennent moins d'une radicalisation d'un mouvement déjà gagné à ses idées que d'une tentative d'amadouer les catholiques du parti, en leur présentant un racisme prétendu spécifiquement breton, en phase avec le christianisme, à l'instar de ce que propose l'abbé Gantois dans Le règne de la race. Si elle croit pouvoir traiter avec les Allemands au début de la guerre, la tendance Mordrel doit cependant vite céder la direction du PNB à la famille Delaporte, qui adhère finalement pendant un temps aux théories racistes et nordiques prônées avant le conflit, avant de se tourner, avant la fin du conflit, vers une politique modérée. Dès 1945, la direction du PNB s'est attelée à écrire l'histoire du mouvement breton, pour séparer le bon grain de l'ivraie, les modérés des extrémistes. Cherchant à se disculper, elle a chargé les extrémistes de l'ensemble des compromissions du mouvement sous l'Occupation, oubliant opportunément que son attitude de 1937 n'était qu'obéissance temporaire au pape, et non résistance au nazisme.