Jean-Marie Conseil. Carnet, correspondance et production artistique d’un prêtre breton au front (1914-1916)
Abstract
Le fonds documentaire constitué par le carnet, les lettres, les photographies, dessins et peintures de Jean-Marie Conseil ne renouvellent certes pas l’Histoire, mais il permet d’insister sur ce qui peut a priori être perçu comme un cumul de paradoxes entre les productions artistiques de l’avant et celles de l’arrière, entre les productions en cours de guerre et celles réalisées après la guerre, entre la violence historique de la guerre et l’absence d’images d’horreur dans ces productions de l’avant en temps de guerre, entre la haine de l’ennemi chez cet homme et l’amour chrétien que sa fonction de prêtre aurait pu nourrir, entre la désespérance profonde et l’humour constant dans ses lettres, etc.
Les discours de Jean-Marie Conseil n’avaient pas pour vocation d’être publiés : il écrivait son carnet pour lui-même, peut-être pour raconter des moments de la guerre à ses proches à son retour, il nourrissait une correspondance d’ordre privée, il dessinait et peignait pour garder souvenir de son vécu extraordinaire lorsqu’il serait rentré de la guerre. Publier aujourd’hui ces fragments documentaires nécessite de s’interroger sur le statut de ces documents. Ils forment pour nous une source exceptionnelle car, même si de nombreux soldats écrivaient pendant ce conflit, l’écriture de Jean-Marie Conseil est abondante, riche et raffinée, elle est essentiellement d’expression française, mais comporte aussi du breton et du latin, et, enfin, cette trace linguistique est associée à une trace iconographique. Ces documents peuvent donc constituer un ensemble empli d’une forme particulière d’écriture du Moi, rassemblé et organisé chronologiquement a posteriori, et donné à lire comme un type particulier de récit de vie qu’ils n’étaient pas au départ et pouvant donner à entendre un « entre » la pensée et les actes de cet homme combattant de la Grande Guerre qui en savait beaucoup plus et beaucoup moins que nous n’en savons aujourd’hui à ce sujet.