Existe-t-il un geste de gauche ? Regards sur quelques expressions du geste dans la littérature bretonne de la fin du XIXe siècle et des années 1960-1970
Abstract
Des origines de la littérature en langue bretonne, au XVIe siècle, jusqu’au milieu du XXe siècle, les auteurs bretons étaient majoritairement des membres du clergé, puis des nobles ou des membres des classes dominantes, tenant, pour la plupart d’entre eux, un discours de type conservateur, même s’il existe quelques exceptions. Or, l’espace littéraire breton a connu, à partir des années 1950, un changement d’orientation important en suivant la grande majorité de l’Emsao, qui a pris, majoritairement, la voie de l’engagement à gauche. Ce changement d’orientation politique, dû aux événements de la Seconde Guerre mondiale, à l’arrivée d’une nouvelle génération à la tête du mouvement breton et aux bouleversements économiques et sociaux des années de l’après-guerre, illustre la plasticité idéologique du mouvement breton qui, pour les besoins de la cause – à savoir la lutte pour la Bretagne et la langue bretonne – et suivant l’atmosphère politique du temps, est passé d’un positionnement politique conservateur à un engagement se disant majoritairement de gauche en l’espace de quelques années. En quoi ce changement de positionnement politique se manifeste-t-il en littérature et, plus précisément, dans la manière d’exprimer le geste dans les textes littéraires des années 1960-1970 ? Une partie de la production de ces dix années sera mise en parallèle avec celle de la fin du XIXe siècle, parce qu’il me semble que certains éléments font de ces deux périodes des moments relativement comparables.
Le geste sera ici étudié sous l’angle des gestes qui définissent le peuple, et plus précisément les paysans, car c’est par la description de cette catégorie sociale (surtout lorsqu’elle est au travail) que les auteurs expriment ce qu’ils pensent être la singularité bretonne. De quelle manière sont décrits les paysans dans les œuvres de la fin du XIXe siècle ? Une fois cet aspect mis en évidence, il s’agira de voir en quoi les changements politiques à l’intérieur du mouvement breton, dans les années 1950-1960, ont eu des répercussions littéraires dans les décennies suivantes, afin de mieux comprendre dans quelle mesure, pour certains auteurs, la description des gestes du peuple sert de prétexte à dire tout autre chose et transforme la littérature en véritable geste de révolte.