Le poids de l'université dans la (petite) ville : un paradigme allemand. L'exemple d'Helmstedt 1576-1810
Résumé
Cette contribution s’efforce d’illustrer, à travers le cas de Helmstedt, siège d’une université protestante importante, le paradigme de l’Universitätsstadt, type idéal de la ville universitaire, dont on a de nombreux exemples en Allemagne : il s'agit d'un organisme urbain d'importance secondaire, sans fonction politique ou économique notable dans la région considérée, dans lequel l'implantation de l'université entraîne une spécialisation fonctionnelle extrêmement forte, marginalisant les autres fonctions de la ville ou les subordonnant à celle-ci. Les manifestations de ce particularisme sont envisagées sous quatre aspects : le poids de l’université dans la population urbaine, dans ses dimensions démographique, juridique et sociale ; le processus d’autonomisation et de distinction de ce groupe social vis-à-vis de la société environnante ; les retombées économiques de l'activité universitaire sur la ville, ce qui concerne aussi l'économie universitaire domestique et les répercussions générales de la présence de l'université sur les fonctions urbaines et sur la structure des métiers ; enfin l’emprise de l'université sur l'espace urbain, à la fois espace physique et bâti mais aussi espace social et symbolique.
L’étude met en lumière l’interconnexion des différents aspects qui caractérisent la ville universitaire allemande protestante d’époque moderne, tel un système dont tous les éléments se confortent. Si certaines de ces interactions se retrouvent certes quel que soit le type de ville universitaire, il faut considérer qu'elles prennent une autre dimension et parfois même une autre nature dès lors qu'elles sont imposées à un organisme urbain particulièrement modeste, comme c’est couramment dans le cas en Allemagne. Les termes de l’échange ou du rapport entre université et (petite) ville sont tels qu’ils induisent une dynamique très particulière, s’appuyant sur le poids démographique et économique des étudiants et des élites académiques, prolongée par le statut matrimonial et les capacités de reproduction du corps professoral, protégée par le privilège juridico-fiscal et l’appui lointain mais efficace du pouvoir princier. Cette dynamique tend à conforter la domination sociale et culturelle des universitaires, qui s’exprime de différentes manières dans les rapports sociaux, les pratiques de représentation et l’usage de l’espace urbain. Elle aboutit à renforcer par capitalisation leur exploitation économique des avantages de cette situation. Face à cela la ville, vu sa taille, son faible poids politique et la modestie relative de ses élites, n’a guère le choix que de subir cette domination tout en profitant au moins de ses retombées matérielles, qui sont d’autant moins négligeables qu’elle n’a guère de ressources alternatives de même ampleur.