Ange et bête. Au XVIIIe siècle en Basse-Bretagne : une sociabilité, mondaine et bretonne
Résumé
Mondain et breton, cela ne va pas ensemble. En effet, qui dit l’un pense paysan, archaïque et local ; qui dit l’autre pense noblesse, salons et universel. Pourtant, un breton mondain a existé : je l’ai rencontré – autrement dit, je l’ai inventé – et il est l’expression d’une sociabilité de langue bretonne – à savoir une alliance du local et de l’universel. En effet, au XVIIIe siècle, à côté de la littérature religieuse qui domine le monde de l’impression en langue bretonne, il existe une production autre qui est restée principalement manuscrite : la littérature mondaine et libertine du breton. Dans cette expression de breton mondain, les deux termes en présence allient le local et l’universel, le particulier et le général, et ils sont, en cela, fondateurs de culture. Destinés à une couche de la population qui connaît le breton et le français, ces textes mondains et libertins témoignent de pratiques particulières de sociabilité et ils obligent à revoir le paysage sociolinguistique – et littéraire – de la Bretagne. Comme pour les siècles précédents, la littérature bretonne du XVIIIe siècle est la cousine, à la mode de Bretagne, des autres littératures européennes. La littérature mondaine et libertine du breton est donc l’expression bretonne de la littérature libertine et mondaine qui s’écrit, au même moment, en français ou en anglais. Cet article fait le bilan de mes recherches sur ce que j’ai appelé le breton mondain, ce breton pratiqué par la noblesse et la bourgeoisie du XVIIIe siècle.