Les politiques familiales aux Antilles pendant l'esclavage et la départementalisation
Abstract
L'impact de la colonisation et de l'esclavage sur les représentations et les pratiques envers les populations et les territoires anciennement colonisés est ici examinée à travers le prisme des politiques familiales dans les DOM et particulièrement aux Antilles. Les politiques familiales incluent aussi bien la définition juridique de la famille que les biopolitiques sanitaires et sociales ou les transferts financiers tant qu'ils visent la famille et qu'ils relèvent de l'État. La famille est une institution qui existe dans toutes les sociétés humaines et qui est censée protéger ses membres, même si elle peut également être un lieu d'exploitation et d'oppression. La politique familiale vise à leur permettre de vivre mieux mais elle favorise aussi souvent un certain type de famille par rapport à d'autres. En France, elle est depuis longtemps une " affaire d'État ", esquissée sous Henri IV, et devenue particulièrement importante après la Deuxième guerre mondiale puisqu'elle servit d'axe pour la refondation de la République. Ainsi, alors que le Royaume-Uni créait l'allocation de chômage pour renouer le lien social, la France rénovait et accroissait les prestations familiales. Ces politiques familiales sont précisées depuis la période esclavagiste jusqu'à aujourd'hui. Certes, la situation est incommensurable d'une époque à l'autre, néanmoins c'est bien l'État français qui a mené ces actions, même s'il a changé de nature en passant du régime de la Royauté à celui de l'Empire et de la République et si la situation d'esclave est bien différente de celle de citoyen de seconde zone. Des sources variées sont utilisées. Pour l'esclavage, ce seront des rapports d'administrateurs, des récits de voyage, des listes d'esclaves issues des minutes notariales ; pour la période récente, des débats préparatoires aux plans, des rapports parlementaires, les attendus de textes de lois, ainsi que les recensements. Une enquête a également été réalisée en Guadeloupe en 1986 et 1987 auprès de cent chefs de famille et de cent médiateurs institutionnels pour apprécier la mise en œuvre et les conséquences de la politique familiale.