Quelle citoyenneté pour les femmes ?
Résumé
Le groupe 'État et rapports sociaux de sexe' est né voici un quart de siècle à l'initiative de chercheuses et militantes féministes venant d'expériences intellectuelles et politiques différentes qui désiraient mettre leurs connaissances respectives en commun. Il a contribué, dans l'espace francophone, à traiter de la thématique du genre sous l'angle des politiques sociales et de la citoyenneté, tout en remettant en cause les cloisonnements des champs disciplinaires. La composition internationale et pluridisciplinaire du groupe, tout comme l'ancrage de ses membres et de ses recherches dans des pays aux profils fort contrastés, tant en Europe de l'Ouest que de l'Est ou dans les Amériques, induisit une approche de la question de l'État sensible aux multiples facettes et complexités de ce dernier, selon les contextes nationaux singuliers et les régimes (de welfare et de genre) en vigueur. Quand les analyses des unes donnaient à voir une dimension plutôt assistancielle des politiques sociales (à l'exemple de la Grande-Bretagne), d'autres insistaient au contraire sur leurs visées universalistes - dans les pays nordiques. Dans ces derniers pays, où les mesures légales visaient à réduire les différences de statut entre les sexes, le discours sur les rapports hommes-femmes était égalitaire tandis qu'ailleurs (en Allemagne ou dans le sud de l'Europe), l'intervention de l'Etat vis-à-vis des inégalités de genre restait minimale, et parler de division sexuelle du travail productif et reproductif restait tout à fait légitime. D'emblée, l'accent fut mis sur le fait que, " nulle part, l'État n'assure l'ensemble de la reproduction mais que partout, celle-ci est réalisée à travers une association variable entre les familles, le marché et l'État " (Gautier, Heinen 1993, p. 10) - le terme 'famille' renvoyant le plus souvent au travail gratuit des femmes. La définition de ce que nous entendions par 'État' n'allait toutefois pas de soi entre nous. Certaines avaient une approche plus structuraliste du concept, quand d'autres insistaient davantage sur les capacités de résistance des individues concernées par les politiques publiques. Et la nature même des instances prises en considération variait grandement, selon qu'il s'agissait d'un État centralisé, comme la France (ou, mais de façon bien différente, dans les pays dits communistes), d'un État fédéral comme la Belgique, la Suisse ou le Canada, ou encore selon qu'on s'intéressait à la partie occidentale ou orientale de l'Europe - les notions d'État, de marché, de capitalisme et de rapports de classe revêtant alors des significations fort éloignées. Fut également mis en exergue le fait que l'intervention de l'État ne se traduit pas de la même manière en fonction de l'origine sociale et de la couleur de la peau de l'individu∙e concerné∙e - d'où l'importance de tenir compte de l'articulation entre sexe, classe et origine ethnique. Même en France, la politique était nataliste en métropole et antinataliste dans les départements d'Outre-mer (Gautier 1988).