État des connaissances actuelles sur l'évaluation du risque sanitaire lié au radon Current state of knowledge about radon health risk assessment
Abstract
L'impact sanitaire de l'exposition au radon et ses descendants a été appréhendé grâce aux études épidémiologiques mises en place sur les mineurs d'uranium dans les années 60. Le caractère carcinogène du radon pour le poumon a été reconnu en 1988 par l'Agence Internationale de Recherche contre le Cancer (CIRC). Depuis, de nombreux travaux épidémiologiques ont permis de confirmer ce résultat, même à de faibles niveaux d'exposition, et d'affiner la connaissance de la relation exposition-risque. En particulier, depuis le milieu des années 2000, des études internationales conduites en population générale ont permis de démontrer l'existence d'un risque associé à la concentration de radon mesurée dans les habitations. L'origine de l'exposition est liée à l'inhalation des descendants du radon émetteurs alpha présents dans l'air que nous respirons et leur dépôt dans les voies respiratoires selon leur taille. L'énergie communiquée aux tissus pulmonaires lors de la désintégration alpha contribue ainsi majoritairement à la dose apportée au poumon et au risque induit de cancer broncho-pulmonaire. L'exposition au radon dans les mines est exprimée en Working levels months (WLM), tandis que dans les habitations on utilise généralement les mesures de concentrations volumiques en radon, exprimées en Bq/m3. Le risque sanitaire lié à l'exposition chronique au radon et à ses descendants à vie courte est principalement abordé par deux approches, l'une épidémiologique, l'autre dosimétrique. La première approche s'appuie sur les résultats des enquêtes épidémiologiques récentes sur les mineurs et les enquêtes épidémiologiques conjointes réalisées en Europe, États Unis et Chine dans les années 2000, desquelles on peut déduire une relation directe du risque par unité d'exposition au radon. La seconde approche repose sur l'utilisation de modèles dosimétriques pulmonaires pour estimer la dose efficace reçue par unité d'exposition au radon. L'approche épidémiologique montre une très bonne cohérence entre les estimations de risque issues des études de mineurs d'uranium faiblement exposés et celles issues des études internationales en population générale. Ces résultats ont fait l'objet d'une synthèse récente présentée dans la publication 115 de la CIPR (2010). Ainsi, il est proposé, d'une part, de fixer le risque vie entière par unité d'exposition au radon (LEAR, pour Lifetime Excess Absolute Risk) à 5.10-4/WLM, en remplacement de l'ancienne valeur de 2,83 10-4/WLM issue de la publication 65 de la CIPR (1993). Sur cette base, l'équivalence entre l'exposition au radon et la dose efficace serait de l'ordre de 12 mSv pour 1 WLM pour les travailleurs et de 9 mSv pour 1 WLM pour le public (au lieu des 5 mSv et 4 mSv issus de la publication 65, respectivement). La seconde approche aboutit à des estimations de doses de l'ordre de 6 à 20 mSv par WLM selon le modèle utilisé et le scénario d'exposition, la plupart d'entre elles se situant autour de 10 mSv par WLM. Ces résultats issus de l'approche dosimétrique devraient prochainement aboutir à une nouvelle publication CIPR. Les résultats des deux approches se révèlent aujourd'hui finalement assez cohérents, en dépit des incertitudes inhérentes à chacune d'entre elles. Ils vont aboutir prochainement à la recommandation par la CIPR d'une nouvelle convention de conversion entre l'exposition au radon et la dose efficace, qui devrait proposer des valeurs de conversion plus élevées que celles recommandées auparavant (dans la publication CIPR 65 de 1993). Concernant l'estimation de l'effet combiné du radon et du tabac sur le risque de cancer du poumon, les résultats épidémiologiques confirment que l'effet du radon persiste après prise en compte du tabagisme. Les études en population générale n'ont pas démontré d'interaction significative entre ces deux carcinogènes pulmonaires, bien que le risque relatif estimé chez les non-fumeurs soit généralement un peu plus élevé que celui estimé chez les fumeurs ou ex-fumeurs. The health impact of exposure to radon and its decay was initially demonstrated by epidemiological studies implemented among uranium miners in the 60s. The carcinogenicity of radon for the lung was recognized in 1988 by the International Agency for Research against Cancer (IARC). Since then, many epidemiological studies have confirmed this result, even at low exposure levels, and refined knowledge of the exposure-risk relationship. In particular, since the mid-2000s, international studies in the general population have demonstrated the existence of a risk associated with radon activity concentration in homes. The source of exposure is related to the inhalation of radon progeny alpha emitters present in the ambient air and their deposition in the respiratory tract depending on their size. The energy delivered to the lung tissue during alpha decay process contributes mainly to the dose given to the lung and induces lung cancer risk. Exposure to radon in mines is expressed in "Working levels months" (WLM), while in homes measurements of radon activity, concentrations expressed in Bq/m3 are generally used. The health risks associated with chronic exposure to radon and its short-lived progeny is mainly addressed by two approaches, one epidemiological and the other dosimetric. The first approach is based on the results of recent epidemiological studies on miners and joint epidemiological surveys conducted in Europe, USA and China in the 2000s, from which a risk coefficient per unit exposure to radon can be directly deduced. The second approach relies on the use of lung dosimetric models to estimate the effective dose per unit exposure to radon. The epidemiological approach shows a very good consistency between the risk estimates from studies of uranium miners exposed to low radon levels and those from international studies in the general population. These results were reviewed in the recent ICRP publication 115 (2010). Thus, the ICRP proposed to fix the part of the Lifetime Excess Absolute Risk (LEAR) per unit of exposure to radon to 5 10-4/WLM, instead of the previous value of 2.83 10-4/WLM proposed in the ICRP publication 65 (1993). On this basis, the equivalence between radon exposure and effective dose would be about 12 mSv per WLM for workers, and 9 mSv per WLM for the general public (instead of 4 mSv and 5 mSv recommanded in the publication 65, respectively). The second approach leads to estimates of doses in the range of 6-20 mSv per WLM depending on the dosimetric model and the exposure scenario used, most of them being around 10 mSv per WLM. These results of the dosimetric approach should soon lead to a new ICRP publication. These two approaches ultimately proved fairly consistent despite uncertainties associated to each of them. They will soon lead to the recommendation by the ICRP for a new conversion convention between radon exposure and effective dose, which should provide conversion values higher than previously recommended (in the ICRP Publication 65, 1993). Regarding the estimation of the combined effect of radon and smoking on the risk of lung cancer, epidemiological results confirm that the effect of radon persists after taking into account smoking. The general population studies have not demonstrated significant interaction between these two lung carcinogens, although the estimated relative risk among non-smokers is generally a little higher than that estimated in smokers or ex-smokers.