Gaber et renouveler la tradition des romans en vers : pastiche de genre et pastiche de style dans Le Chevalier aux deux épées
Abstract
L'écriture du Chevalier aux deux épées, roman anonyme et conservé dans un manuscrit unique, composé aux alentours de 1240, relève à la fois du pastiche de genre et du pastiche de style à partir du modèle romanesque en vers instauré par Chrétien de Troyes. Les emprunts lexicaux et onomastiques témoignent tout d'abord de ce travail d'imitation qui reprend des traits récurrents du modèle pour mieux les détourner ou les gaber par amplification ou inversion. Situé dans le manuscrit avant Le chevalier au lion, Le chevalier aux deux épées réécrit également deux grandes scènes de genre propres à ce roman : la joie de Calogrenant et la scène de lecture dans le verger de Pesme Aventure. Mais ici encore le pastiche est à l'œuvre et transforme la réception et le sens initiaux de ces épisodes. Malgré l'intention affichée de renouer avec la tradition générique et formelle des romans en vers, le texte subit aussi l'influence des cycles et romans en prose dans le traitement des personnages, des motifs et de la narration. L'épisode crucial de l'épée qui saigne et de la révélation du nom du héros repose sur une réécriture globalisante de multiples traits figuratifs hérités à la fois du Conte du Graal et des grands cycles du Graal. Ancré dans une double tradition qu'il se plaît parfois à malmener ou à amplifier, Le chevalier aux deux épées témoigne de la réception et de l'assimilation d'une masse romanesque considérable qu'il s'attache à renouveler autant qu'à perpétuer.