Se dire "sportif" dans les pratiques de prédation (chasse, pêche, cueillette) en France. Conditions d'un processus de qualification
Abstract
Chasses, pêches et cueillettes occupent une place particulière dans le champ des pratiques corporelles. Si historiquement, ces activités de prédation ne constituent pas des " sports ", elles sont aujourd'hui fréquemment perçues comme telles par ceux qui y participent. Dans tous les cas, la connotation sportive apparaît comme une norme à travers (ou contre) laquelle les pratiquants ont tendance à se positionner. Le sens que l'on attribue à ces activités s'est donc enrichi. Notre propos est de repérer les modalités et les raisons de la diffusion de ce recours à la connotation sportive, que ce soit pour s'en distinguer ou (plus souvent) s'en rapprocher, pour caractériser ces activités ainsi que les objets et les usages des espaces ou des temps qu'elles impliquent. En l'occurrence, nous montrons que la spécification sportive n'a pas le même sens pour les pratiquants ou pour les institutions qui gèrent ces pratiques. La démarche de qualification de " sport " est en effet autant un résultat qu'un processus visant à attribuer une valeur, une qualité à un objet, un lieu, une activité, une personne, une attitude, c'est-à-dire en définitive à valoriser ou au contraire à stigmatiser ceux-ci. En mêlant recueil de données issues d'archives, travail d'observation participante et analyse d'entretiens réalisés auprès de pratiquants (n=68), nous entendons montrer que les mécanismes qui sont au cœur de la représentation des activités de chasse, de pêche et de cueillette s'adaptent aux conditions sociales, culturelles et juridiques contemporaines : les pratiquants semblent en effet s'orienter aujourd'hui vers un affichage de leur activité qui soit acceptable, la forme sportive apparaissant ici comme une manière de rendre légitime et utile des pratiques initialement contestées sur le plan social.