Conjugalité moderne et décohabitation professionnelle : le défi d'un nouveau paradoxe
Abstract
La vie sociale actuelle tend à définir la décohabitation conjugale provisoire, comme une opportunité individuelle et conjugale. Les individus modernes sont ici supposés saisir l'occasion de se construire à nouveau et, en même temps ou ce faisant, de redonner vie à une relation conjugale comme anesthésiée (protégée de la douleur mais vidée de sensation) par la routine de la vie commune. Cette représentation oublie un autre profit à tirer de la décohabitation. La logique de l'économie libérale mondialisée, comme celle d'un service publique re-centralisé, engage en effet, au travers de la concentration des pôles et de la délocalisation liée, une généralisation de l'adaptation des personnes au travail à ces nouvelles exigences. Cette adaptation est de fait celle de tout le ménage en lequel l'individu s'inscrit : des couples, des familles, doivent se décider pour la mobilité résidentielle ou pour la décohabitation provisoire de l'un d'entre eux. Or, en contexte d'égalité conjugale et de paternité relationnelle, ces questions (re)définissent le lien conjugal (et/ou familial) vers la complémentarité (entre celui ou celle par rapport à l'activité professionnelle rémunérée de laquelle ou duquel il est décidé de changer le quid pro quo et celui ou celle qui "suit"). Le retour ou la réaffirmation de la complémentarité conjugale est-il/elle bien la "solution" à l'usure conjugale ? À quelles nouvelles formes de différenciation interne du couple assistons-nous ? À quels arrangements ?