La pénalisation explicite de l'inceste : nommer l'innommable
Abstract
La situation incestueuse n'ayant jamais été considérée isolément par le législateur, il a longtemps été vain de rechercher l'inceste dans le vocabulaire juridique français. Pourtant, parce qu'il se situe au sein de la cellule familiale, l'inceste n'est pas une infraction sexuelle comme les autres. Si, de manière indirecte, le droit positif le réprimait déjà, l'absence de qualification autonome desservait l'indentification et la prise en charge juridique de ses victimes. C'est dans ce contexte que la loi du 8 février 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal, donne corps à la notion de violence sexuelle commise "par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par tout autre personne ayant autorité sur la victime". A défaut d'aggraver la répression, son objet est d'expliciter l'inceste dans le code pénal afin de l'inscrire dans les qualifications retenues par les tribunaux. Pour ce faire, la loi agit, de manière inégale certes, sur la redéfinition d'une contrainte parfois présumée comme atteinte au consentement de la victime et sur une surqualification tenant eux aussi aux liens familiaux ou d'autorité avec l'auteur. Du point de vue de l'autonomie personnelle, l'incrimination spécifique de l'inceste participe également de la définition d'une sexualité libre et fondée sur le consentement. Mais cette définition semble alors s'inscrire dans une logique essentiellement déclarative.