La lutte pour la diversité linguistique, un combat d'arrière-garde ? Le cas des langues celtiques.
Résumé
The speeding-up of the “language-death” phenomenon is, according to several scientists, disrupting the linguistic face of the world: hence the necessity to promote language diversity and to protect endangered languages such as the Celtic languages in the British Isles. This reasoning, which is shared by many in the scientific community and is taken up by organisations defending minority languages in Europe, lies, however, on a number of theoretical foundations which appear rather shaky. First, an inventory of all the world's languages, as created by such institutes as SIL International, poses a difficult problem, namely the identification of what a language is. Secondly, linguists have developed a set of arguments, called here “ecolinguistics”, which establishes a dubious parallel between languages and living species and forgets the eminently social dimension of language. Finally, the use by militants and international organisations such as UNESCO and the Council of Europe of a rhetoric about the need to preserve the world's linguistic heritage fails to take into account the speakers, who are after all the main drivers of language change.
L'accélération du phénomène de la « mort » des langues est, aux dires des spécialistes, en train de bouleverser le paysage linguistique mondial. D'où la nécessité de promouvoir la diversité linguistique et de protéger les langues menacées de disparition, comme les langues celtiques dans les îles britanniques. Ce raisonnement, qui fait consensus au sein de la communauté scientifique et est largement repris par des organisations défendant les langues minoritaires en Europe, s'appuie néanmoins sur un certain nombre de présupposés théoriques pour le moins fragiles. Tout d'abord, le recensement des langues parlées sur la planète, tel qu'il est organisé par des organismes comme SIL International, pose le problème de l'identification de l'entité « langue ». Ensuite, les linguistes ont développé une dialectique, qualifiée ici d'« écolinguistique », qui établit un parallèle contestable entre langues et espèces vivantes et omet la dimension éminemment sociale du langage. Enfin, l'utilisation par les militants ou des organisations internationales comme l'UNESCO et le Conseil de l'Europe d'une rhétorique sur la conservation du patrimoine linguistique de l'humanité néglige de prendre en compte les locuteurs qui sont, en définitive, les principaux acteurs des changements de langue.