Is there a German Decorated Style ? Reflections on the Church of St Catherine (Oppenheim) and German Gothic Architecture in the First Half of the 14th Century.
Abstract
Depuis l'époque où Thomas Rickman a tenté de distinguer pour la première fois les étapes du style gothique en Angleterre (1819), l'expression « Decorated Style » s'est imposée pour définir la phase qui, succédant à l'Early English, prit forme à partir du chantier rayonnant de Westminster, avant de se voir éclipsée par le style Perpendiculaire. Il est surprenant que peu d'historiens de l'art se soient demandé si cette expression n'aurait pas pu aussi bien convenir à l'évolution que connut l'art gothique à la même époque ailleurs en Europe. A l'occasion du congrès de la British Archaeological Association à Mayence, cet article propose quelques pistes de réflexion, à partir de l'exemple de la collégiale d'Oppenheim, « le plus important édifice gothique de la vallée du Rhin entre Strasbourg et Cologne » (Georg Dehio). La reconstruction de l'église avait été engagée avant 1300 par le chevet, selon un parti relativement classique, qui fut profondément bouleversé avec l'achèvement de la nef, dotée de chapelles latérales dont les baies présentent un répertoire étonnamment riche et varié de réseaux rayonnants. Une tendance comparable à l'enrichissement formel, aux jeux de réseaux de plus en plus sophistiqués, avec un goût grandissant pour la virtuosité décorative, peut être mis en évidence dans bien d'autres monuments en Europe, en Allemagne mais aussi en France. Il est à peine besoin d'insister sur la parenté avec le Decorated Style tant l'évidence s'impose : les courants privilégiant les effets décoratifs, dont on a pensé qu'ils constituaient une spécificité anglaise, ont été bien plus largement répandus en Europe. En fait, le style rayonnant avait déjà tellement évolué depuis les années 1250 que les maîtres d'œuvre, ici ou là en Europe, disposaient d'une vaste gamme de motifs formels, qu'ils étaient libres de combiner à leur guise. Nombre d'entre eux, quelle qu'ait été leur nationalité, le firent avec un goût appuyé de l'effet, en rupture avec la tradition du gothique classique, dominée par les principes d'homogénéité et de régularité, en rupture aussi avec les courants austères véhiculés par les ordres mendiants. Même si l'art gothique s'était ramifié dès la seconde moitié du XIIIe siècle en courants nationaux d'une saveur parfois très particulière, le Decorated Style n'est donc pas le fruit du splendide isolement longtemps prêté à l'Angleterre : il doit être réintégré dans un panorama européen de l'évolution du style rayonnant, d'où les tendances décoratives n'ont pas été absentes, loin de là.