Du korrigan à la fée celtique.
Résumé
Ce furent les textes du début du XIXe siècle qui inventèrent la « fée bretonne » moderne. Au cours des années 1820-1850, elle se vit enrichie de traits, de couleurs, de pouvoirs, dont, apparemment, n'avaient jamais bénéficié les "Boudicq", "Groac'h", "Coric", "Corriguès", "Corrigant" ou "Corrigannéss" évoqués par les dictionnaires du XVIIIe siècle. En fait, cette fée moderne déroba l'identité du "Corricq" ; sa figure et ses traits, métamorphosés, furent superposés à ceux de son ancêtre. On la représenta plus souvent grande, belle et lumineuse que naine. On la dota de pouvoirs maléfiques comparables à ceux des magiciennes et sorcières en vogue. On décréta surtout son appartenance séculaire au monde celtique. Mais le discours qui inventa cette fée fit plus appel à la littérature savante qu'à la tradition orale directe. Les Mahé, La Villemarqué, Souvestre, etc. se référèrent certes à des récits populaires qu'ils avaient bien entendus, mais ils ne les publièrent pas tels quels. Il fallut, écrit Souvestre, "nous résigner à conter nous-même d'après les conteurs". L'enjeu littéraire et esthétique dépassait le respect de la tradition. La beauté de la fée devait contrebalancer la laideur des korrigans. La médiation littéraire permettait l'interférence et la complémentarité de deux traditions. La Bretagne pouvait rivaliser enfin avec les contes de fées européens, de Perrault, de Grimm et d'autres....