Entre Orient et Occident : le mythe des origines dans les textes bretons.
Abstract
Cette communication se donne pour objet de décrire le développement historiographique qui, en Bretagne, du haut Moyen Age au XIXe siècle, a abouti à une construction culturelle donnant des origines spécifiques à cette nation. En effet, tour à tour, Troyens, Romains, Gaulois et Celtes, Phéniciens, ont été désignés comme les lointains ancêtres des Bretons. Au XVIIIe siècle, nombre de lettrés et d'antiquaires, gagnés par une celtomanie mystificatrice, attribuèrent aux Gaulois/Celtes dolmens et menhirs et toutes les antiquités pré-romaines. Ces récits des origines furent inventés par des clercs, chroniqueurs, historiens et érudits dont les conceptions furent stimulées par des ouvrages historiques et/ou des modèles culturels antérieurs provenant principalement de l'Antiquité gréco-latine, alors base de toute autorité intellectuelle. Chacune de ces constructions mémorielles dévoilait certains enjeux politico-culturels de l'époque. Au Moyen Age, le choix d'ancêtres trojano-romains permettait d'inscrire la fondation de la Bretagne et les débuts de son histoire dans le sillage de l'antique monde gréco-latin et de la Genèse. Pour l'élite dirigeante du duché, c'était se légitimer, marquer sa spécificité ethnique et sa volonté d'autonomie politique. Concernant la période moderne, les non moins mythiques fabrications celtiques et phéniciennes qui suivirent, contribuèrent à valoriser, une conception ethnico-linguistique de la nation bretonne et un mode de représentation flatteur. L'intérêt que l'on marqua pour le patrimoine monumental de l'Ouest de la France fut indirectement favorisé par cet imaginaire littéraire des origines.