Naissance du celtisme en France et en Grande-Bretagne du XVIe au XVIIIe siècle.
Abstract
Présenter et analyser les documents les plus significatifs des 16e et 18e siècles au cours desquels apparut puis s'affirma l'intérêt pour les Gaulois/Celtes, permet de comprendre les enjeux politiques et culturels dont le celtisme fut investi dès ses débuts. Ce fut à la Renaissance que se développa dans plusieurs pays d'Europe une recherche historiographique portant sur les origines des peuples européens. La France s'inventa se découvrit alors des ancêtres gaulois. Cette fabrication invention mémorielle, élaborée à partir des textes de l'Antiquité, rompait avec l'historiographie héritée du Moyen Age, selon laquelle les Troyens auraient été les ancêtres des rois de France. En Bretagne, le héros fondateur du royaume breton aurait été Brutus, le petit-fils d'Énée, qui aurait abordé dans l'île d'Albion, donnant à cette terre et à ses habitants son nom et sa langue. Cette rupture idéologique opérée au début du 16e siècle permit une représentation politique spécifique, nourrie de conceptions religieuses et culturelles nouvelles : d'une part, la lignée des rois gaulois remontait jusqu'à Noé, d'autre part, les Français étaient le peuple « le plus spirituel du monde » car les druides leur avaient apporté les lettres et les arts, enfin, la langue gauloise, objet d'un grand débat polémique initié par les savants européens, avait renouvelé la question des origines des peuples. En Bretagne, Bertrand d'Argentré identifia le breton au gaulois revendiquant pour son pays un héritage privilégié. Mais ce fut surtout au 18e siècle, que le celtisme (appelé alors « celtophilie »), prit une extension remarquable. La question traversait toujours le champ de la réflexion politique et idéologique. En Bretagne, l'horizon culturel fut renouvelé : on chercha à faire de la « Bretagne armorique », la terre celtique par excellence, par sa langue, - le breton étant la trace vivante du gaulois/celtique ; il fut même décrété « langue mère » -, par ses monuments archéologiques (dolmens et menhirs) que l'on regarda comme des « monuments spécifiques du monde celtique », par ses pratiques culturelles et ses rituels traditionnels souvent abusivement attribués à un héritage druidique et bardique ! Outre-Rhin et outre-Manche, l'on revendiqua également des origines celtiques, tant ce concept permettait alors - et surtout à certaines nations de langue celtique - d'avoir une conscience de soi plus dynamique et de s'affirmer dans une représentation identitaire spécifique prestigieuse.