Les mondes possibles du Graal : trajectoires de la relique à l'énigme
Abstract
En reprenant et en christianisant l'objet " Graal " lancé par Chrétien de Troyes, Robert de Boron opère un premier transfert d'ordre géographique et référentiel. Dès lors le Graal emprunte, au gré des romans, cycles et continuations, de multiples trajectoires au cours desquelles, d'Orient en Occident et de l'espace historique à celui de la merveille et de la fiction, il se construit et se complexifie par accumulations de multiples référents et désignations. L'objectif n'est pas ici d'observer les différents modes de perception et de représentation du Graal dans la littérature, ce qui a déjà fait l'objet d'analyses récentes fort bien nourries (Mireille Séguy, Les Romans du Graal ou le signe imaginé, Jean-René Valette, La Pensée du Graal). Il s'agira plutôt de réfléchir aux implications de ces trajectoires dans la construction d'un objet littéraire qui circule d'œuvre en œuvre et explore les confins de la création romanesque. Comment passe-t-on ainsi de la relique christique à l'élaboration progressive d'une énigme, voire d'un effet d'énigme ? Il faut pour cela considérer chaque texte comme une partie d'un ensemble, d'un univers en expansion qui réalise ses mondes possibles. Plus que le recours à un cadre ou à des personnages récurrents, le Graal apparaît comme une clef de passage qui permet d'enter un nouvel univers sur un modèle romanesque préexistant, de le situer par conséquent sur un plan comparable et différentiel, et de réorienter enfin la poétique et le sens de la création romanesque.