Cette contribution s'intéresse à la trajectoire d'une association alsacienne singulière, l'Avant-garde du Rhin (AGR), groupement sportif affilié à la Fédération gymnique et sportive des patronages de France (FGSPF) depuis 1919. Dans les décennies qui suivent la Seconde Guerre mondiale, l'AGR se trouve confrontée, comme le monde associatif dans son ensemble, à quelques-uns de ses plus grands défis. Entre 1945, moment où se construit l'utopie d'une éducation populaire généreuse, et 1970, qui marque le début d'une crise importante au sein de toutes les associations de jeunesse, l'association catholique précise ses méthodes, affine son intention éducative et bouleverse parfois ses projets initiaux. Elle tente de s'inscrire en phase, avec plus ou moins de succès, avec la diffusion d'une culture juvénile inédite. A trop pousser cette logique, elle en arrive parfois à s'attirer les foudres de la hiérarchie catholique, peu encline à soutenir les innovations lorsque celles-ci atténuent la part de l'idéologie. Si la mission est donc loin d'être aisée, elle est essentielle : ce qui se joue ici n'est en effet rien moins que la légitimité de l'AGR en tant qu'instance représentative de la jeunesse alsacienne et légitime sur le plan de la formation de celle-ci. Après une brève présentation historique de l'Avant-garde du Rhin, qui éclairera les contours historiques et le socle idéologique de celle-ci, nous tenterons de percevoir les modalités et les enjeux du positionnement de l'AGR face aux évolutions sociales et culturelles qui traversent la France des Trente Glorieuses. En d'autres termes, il s'agira de questionner le « potentiel adaptatif » d'une association majeure en Alsace (au milieu des années 1950, elle compte plus de 15 000 membres), attentive à ses orientations éducatives premières et en même temps soucieuse d'être ouverte sur son temps.